Les symboliques de Pâques en Expression Primitive
Qu'est ce à dire ?
En revisitant le mythe hébraïque dans une lecture qui revient aux sources de la langue nous allons tenter une compréhension de ce mythe dans un autre plan, un nouveau plan, réactualisable autant de fois que nous y reviendrons si nous acceptons de nous laisser informer par son essentiel vivant.
J'aime l'éclairage que m'apportent les travaux d'Annick de Souzenelle. Un lait précieux pour les chercheurs de symboles vivants et vivifiants. Un nectar qui m'inspire dans mon travail de danse rythme thérapeute par l'Expression Primitive. Le symbole réunifie, rassemble. Fait écho. Je lis et écoute attentivement ce que nous transmet Annick de Souzenelle. Ma compréhension se fait croissante, éclairée par les enseignements reçus à l'Institut Arigah depuis le mois d'Octobre 2023 et je vois apparaitre l'influence de ces apprentissages dans ma manière d'aborder la construction symbolique des séquences d'Expression Primitive et dans la façon dont je les guide. Cela enrichit bien évidemment mon positionnement d'accompagnement de l'autre, de transmission en tant que formatrice d'animateurs de jeux rythmés ou de danse rythme thérapeutes. Je tenais ici à citer, d'emblée, l'auteur qui m'inspire dans cette évolution de mon travail.
Nous danserons prochainement les symboles de tout ce qui va se dire en suivant. Je suis donc en phase de réflexion, celle qui précède la construction de la séance en geste , en rythme est en voix. Je m'apprête à méditer les mythes concernant la fête de Pâques. Nous pouvons étudier dans les mots et nous pouvons en tant que danseur et danse thérapeutes relier cette réflexion ( dans le sens de réfléchir , renvoyer une information vers l'au dehors de soi ) à une pratique de l'expression par le corps, dans les gestes, les déplacements dans l'espace , la voix et les interactions avec d'autres. C'est tout le propos de l'Expression Primitive que de vivre dans la totalité de sa personne l'essence des mythes.
Pâques. Il sera donc question de passage. C'est cette année le focus qu'il m'intéresse d'aller rencontrer. Pessoah en hébreux. A ceci prés qu'il s'agit de "passage au dessus." Au dessus de quoi ? Dans le texte biblique, la 10eme plaie d'Egypte est définie comme étant le passage de l'Ange exterminateur. Il passe au dessus des maisons des Hébreux, les évitant, parce que leurs linteaux ont été marqués de la marque du sang d'un agneau. Les maisons qui ne portent pas ce signe sont celles des Egyptiens et c'est leur premiers nés, enfant et bétail qui seront frappés par l'ange de la mort.
Le peuple hébreux s'est levé et s'apprête à partir. Il décide de quitter une terre d'esclavage, connue, pour une terre promise, inconnue. L'annonce de cette promesse est portée par un prophète, Moïse, le "sauvé des eaux", lequel devra être aidé par son compagnon Aaron, car pour ce qui est des mots, l'élocution de l'élu du Trés haut est trop incertaine à son propre goût. Dans le texte, nous sentons que le Dieu d'Israël en est passablement agacé mais que, malgré cela, ce sont quand même ces deux hommes, qu'il a désigné, qui s'en iront réclamer la libération du peuple "de Dieu" face au Pharaon. Lequel, d'un seul battement de cil pourrait envoyer ces émissaires aux crocodiles. Le Pharaon s'entête, le peuple hébreux, lui, accepte l'idée et se prépare au départ.
Accepte. Pour autant que cela augure un possible mieux il est loin d'être facile. que de quitter ce que l'on connait. Quitter ce dans quoi nous sommes nés, tissés, construits ? Pourquoi ? Si l'on y réfléchit un tant soit peu, la sagesse inviterait sans aucun doute, à rester là. Mais ça pousse en soi, ça veut. Qu'est ce que ce "ça" qui veut ? Qu'est ce qui appelle ? Qu'est ce qui meut ainsi ce peuple et le pousse à avancer ?
La part de soi qui veut vivre ? Qui doit vivre, qui pousse l'humain, tout humain vers le vivant et inlassablement, malgré ses errances et ses refus parfois ? La vie ? Ce principe qui agit à travers tous et toutes choses vivantes sur cette terre, dans tous les règnes à la fois ? Ce qui règle de manière magistrale la chorégraphie des planètes et dessine d' harmonieuses volutes dans les cieux nocturnes. L'invisible sculpteur des roses des sables ? Ce qui veut que nous vivions ?
Nous ? Nous qui, pourtant, plus souvent qu'à notre tour, sacrés humains ou humains sacrés nous nous appliquons à marcher en zig zag vers le but. Quel but ?
Si je dis "Honorer la noblesse de la vie en nous" est ce que cela nous parle ? Ce serait honorer les talents dont nous sommes dépositaires depuis avant notre naissance. S'y appliquer quoi qu'il en coûte. Honorer nos corps, si bien fait et si beaux. Oui,si beaux. Honorer l'autre. Celui dans lesquel il est plus facile de reconnaitre des défauts et des qualités qu'on nos propres intériorité ? Honorer la terre et tout ce qui vit sur cette terre. Oui, ce pourrait être cela. Cela aurait sans doute un goût de paradis. Mais ça zig zague. Ça ne va pas droit. Nous sentons bien que cela se gagne. Et peut se perdre. Ça zig Zague en nous au moins comme dans un attelage tiré par des chevaux à peine débourrés dirigés par un cocher qui semble ne rien y connaitre.
Mais revenons à nos moutons. Ou plutôt à notre agneau pascal. A notre "passer au dessus".
Voyons la série des fameuses plaies d'Egypte à l'éclairage des traductions de l'hébreu par Annick de Souzenelle et imaginons en le récit du rituel et les liens possibles avec nos questions existentielles. Les eaux troubles, infectées : notre conscience polluée par des modes de pensées qui excluent la vie et ne savent plus boire aux sources claires ? Passer au dessus et bondir "hors de" : la grenouille, ce drôle d'animal entre poisson et lézard au gout de poulet, capable de se transformer sous l'effet d'un baiser ( des épousailles) si peu que nous lui fassions confiance et ne nous fions pas à son apparence. Passer aux dessus de la vermine. La vermine que causent nos certitudes "ceci est cela c'est ainsi et pas autrement" Certitudes sur soi, sur l'autre, les autres, le monde ? Et , n'est ce pas, pourtant, la certitude qui produit, aussi, la persévérance ? Passer par le noir, les insectes noirs grouillants dans nos ténèbres intérieures, nos noirceurs, nos blattes et nos cafards. Traverser, plonger dans ce rebutant marasme et re-sortir avec la bestiole qui doit être mise en lumière pour qu'elle devienne information ? Puis la peste. Ne pas s'étonner que la peste fonde sur notre humanité dézinguée. La peste de ceux qui font n'importe quoi avec le vivant, l'existant, la peste de la toute puissance. La préserver individuellement, collectivement : re-prendre exemple sur la nature. Redevenir un, abandonner nos petits vouloirs, pouvoirs, avoir et perdre tout ego. Se retrouver lépreux à cause de l'orgueil d'avoir perdu son orgueil et apprendre à passer au dessus sans se penser au dessus ?
Décidément, l'attelage humain se révèle bien complexe à mener. Ne serait ce pas plus simple, plus rapide que de laisser partir les chevaux au galop en invectivant tout le monde ? Et voilà la grêle : les paroles , bavardages, l'invective. Laisser parler le lion de la colère au lieu d'être celui qui conduit le lion à s'exprimer. Animaux-pulsions-émotions qui nous mangeront si nous ne les mangeons pas ! Comme les sauterelles qui razzient tout si nous ne les razzions pas avant !
Il serait tentant de désirer souffler. De n'en plus pouvoir. De faire une pause. De se débiner. C'est ici que se joue la naissance. C'est inéluctable, il nous faut naître. Franchir le passage du col, passer un cap. Passer au dessus et aller au delà . PESSOAH.
Et vivre c'est forcement mourir. Puisque "aller vers" c'est quitter. Devenir autre c'est mourir à. Nous n'en avons pas fini des paradoxes, cela ne fait que commencer. L'alternance rythmée de la réalité nous accompagne aussi sûr que le jour succède à la nuit et la nuit au jour et cela jusqu'à la fin de nos jours. Et nous ne sommes que de passage.
Ref : Annick de Souzenelle. Vas vers toi. Edition Albin Michel. À la lumière de la psychologie des profondeurs, de la tradition chrétienne et de la merveilleuse richesse de la langue hébraïque, le livre de l’Exode, qui n’était pour beaucoup que le récit légendaire de la sortie d’Egypte du peuple hébreu, se révèle ici un véritable livre de vie. Les chiffres deviennent symboles, les mots et les noms déploient des trésors de sens, et les dix plaies qui s’abattent successivement sur le pays de Pharaon, pour l’obliger à laisser partir le peuple juif, sont autant d’épreuves proposées à l’homme sur le chemin de sa libération, de sa Pâque intérieure. À travers cette lecture vivante d’un livre de la Bible, loin des interprétations banalisantes, moralisatrices ou historicistes, Annick de Souzenelle nous invite à redécouvrir notre patrimoine sacré.
Ref : Annick de Souzenelle / les Dix plaies d'Egypte https://youtu.be/oEkGc0xbQfk
Ref: Marie Balmary. La divine origine. Editions Grasset 1993